Auteur des plus beaux mélodrames du cinéma hollywoodien, le réalisateur de "Mirage de la vie", né en Allemagne, cachait une tragédie intime qui a hanté son oeuvre. À l’image de ses films, une déchirante plongée dans le secret de Douglas Sirk.
Retiré à Lugano, en Suisse, le discret Douglas Sirk (1897-1987) avait exigé de son biographe, Jon Halliday, qu’il ne dévoile son drame intime qu’après sa mort. Né Hans Detlef Sierck en Allemagne de parents danois, le maître du mélodrame hollywoodien des années 1950, dont les films déchirants, d’Écrit sur du vent au Secret magnifique, composent la subtile partition d'un mystère étranger au cinéma de l’époque, débute sa carrière au théâtre. Metteur en scène remarié avec la comédienne juive Hilde Jary, il est poussé, après l’accession de Hitler au pouvoir, vers les studios de la UFA, que Goebbels n’a pas encore mis sous sa coupe. Surtout, son fils unique Klaus, né en 1925 de sa première union avec l’actrice Lydia Brincken, devenue nazie, lui est arraché. Le réalisateur ne reverra plus jamais, sinon à l’écran, cet enfant comédien, dont on exploite la beauté cinégénique pour des films de propagande. Dans la nuit de Noël 1937, Douglas Sirk et Hilde Jary, brisés, abandonnent tout derrière eux pour s’exiler aux États-Unis. Mobilisé, Klaus, lui, tombera sur le front russe à 19 ans. Une tragédie indicible, qui inspirera à Sirk le scénario du poignant Le temps d’aimer et le temps de mourir et, au-delà, infusera tout son cinéma, comme ses héros ordinaires, d’un lancinant désespoir.
Douleur silencieuse
Touché par l’infinie tendresse de Sirk pour ses personnages, Rainer Werner Fassbinder disait de ses somptueux mélos : "Même si ce sont des films faits de manière artificielle et travaillée, ils sont incroyablement vivants." Avec Jon Halliday et le réalisateur Todd Haynes – dont le film Loin du paradis est le remake d'un autre opus de Sirk, Tout ce que le ciel permet –, mais aussi grâce aux élégants carnets de son épouse Hilde Jary, ce documentaire explore l’œuvre du cinéaste exilé à la lumière de la blessure secrète qui le hantait. Cette douleur silencieuse éclaire aussi l’attachement profond qui le liait à son acteur fétiche, Rock Hudson, né la même année que son fils disparu. Tournant le dos aux passages obligés du biopic, le portrait sensible d’un artiste aussi tourmenté qu’animé d’une bouleversante humanité.
Non renseigné
Merci à Stefan qui a créé cette fiche